Avant PSG - Nice dimanche, Jean-Pierre Rivère, président des Aiglons, dévoile les clés de la réussite de son club.



C'est la sensation de ce début de saison ! Nice, premier de Ligue 1, vient défier le PSG dimanche au Parc des Princes. Jean-Pierre Rivère, 59 ans dont 49 passés à Nice, après une carrière dans l'immobilier qui lui a permis de faire fortune, dirige le club depuis cinq ans. Il explique les clés de la réussite, son mode de fonctionnement personnel et distribue quelques tacles glissés sur le jeu parisien ou Jean-Michel Aulas.



Nice premier, êtes-vous surpris ?

 



Jean-Pierre Rivère: Oui mais cette place est anecdotique. Monaco et le PSG sont beaucoup plus armés que nous, avec un banc que nous n'avons pas. Il y a une satisfaction dans la qualité de jeu produite. C'est le travail de plusieurs saisons qui se concrétise. On laboure, on sème et on récolte. On est dans la phase de récolte.



Dixième budget de L 1 (42 M€), pas programmé pour devenir champion : un succès dimanche vous imposerait définitivement comme favori. Serait-ce une mauvaise nouvelle ?



On ne se pose pas la question de savoir si on peut finir champion. J'aimerais d'abord qu'on se qualifie à nouveau pour une Coupe d'Europe afin de continuer à progresser. On a bâti ce club il y a quatre ans avec un projet en partant d'une page blanche. On a connu des échecs mais on a eu de la réussite parce que tout ce qu'on avait écrit, on l'a réalisé.



Quelle est votre part dans cette réussite ?



Pas plus importante que celle d'un président d'un autre au club. Je travaille dans le foot à mi-temps. Au club, ils ne me voient quasiment jamais. Une fois par semaine et le reste au téléphone. Avec mon fils de 26 ans, je travaille dans l'immobilier pour le plaisir et puis j'ai des petits aussi dont je m'occupe. Le foot est extrêmement chronophage. Si je veux garder du plaisir et de la fraîcheur, il faut que je le vive à mi-temps. Je ne fais quasiment aucun déplacement avec l'équipe. Je ne regarde pas les émissions de foot, je lis de temps en temps « l'Equipe ». Parfois, je ne suis pas au courant de ce qui passe dans le milieu parce que je suis volontairement déconnecté. Ma vie de famille est intense. Quand Nice se déplace, je joue avec mes enfants et à dix minutes du match, on arrête et j'entre dans ma bulle pendant une heure et demie. Après, je reprends ma vie. Le foot, c'est explosif.



Que pensez-vous du PSG que vous affrontez dimanche ?



Il montre moins de plaisir à jouer ensemble que d'autres en Ligue 1. L'équipe traverse une période de transformation, de mutation, avec un nouvel entraîneur. Il faut la digérer. J'espère que le PSG vivra un très beau printemps... mais surtout en Coupe d'Europe.



Pensez-vous comme Jean-Michel Aulas que le club, propriété du Qatar, bénéficie d'un dumping financier ?



Je n'adhère pas du tout à ça. Par essence, je ne suis pas envieux des autres. Les dirigeants parisiens réalisent un super boulot. Ce sont des gens de qualité. Je suis très content pour eux qu'ils aient ce budget. S'il augmente encore, tant mieux pour eux. Je n'aime pas les doubles discours. Paris a fait grandir la Ligue 1, continuera à le faire et permet au championnat de rayonner au-delà de notre pays. Le PSG est une chance pour la Ligue 1. En France, on a tendance à tout voir en négatif.



Comment avez-vous attiré Lucien Favre ?



*Quand il a fallu remplacer Claude Puel, j'ai dit à Julien Fournier (NDLR : le directeur général) : il faut un entraîneur qui parle français, pratique un beau jeu et n'a pas peur des jeunes. On a pensé à Lucien Favre. Après de longs mois de discussions où il disait non, il a dit oui. Il n'était pas programmé pour venir chez nous. Nice n'est pas un club à la hauteur de Favre. Comme Nice n'était pas à la hauteur de Puel quand il nous a rejoints. Favre est plus destiné à des clubs comme le Bayern Munich dont il était sur la short list.



Et Balotelli ?



On sait qu'on a besoin d'un attaquant et qu'on perd Ben Arfa... Je me dis : qui est en souffrance quelque part ? J'appelle l'agent de Balotelli. Je lui demande s'il a un attaquant sans lui parler de Mario. Il me donne des noms que je transmets à notre cellule de recrutement. Un jour, je tente le coup et je lui envoie un SMS, deux mois avant la fin du mercato : « Pourquoi pas Mario Balotelli ? » Il ne me répond pas. Je le relance. Pas de réponse. A trois semaines de la fin du mercato, je l'appelle. Je ne lui demande qu'un service : « Parle de Nice à Mario. » Trois jours après, l'un de mes joueurs me demande : « Président, vous êtes sur Balotelli ? Un joueur vient de m'appeler pour avoir des renseignements sur Nice. C'est pour Balotelli. » Là, j'ai senti une ouverture. Je rencontre Mario avec son agent pendant quatre heures et je découvre un bon gars. J'ai le défaut de travailler à l'intuition. Et Balotelli, c'est un bon mec.



C'était un risque ?



Il n'a pas perdu son talent. On est un club familial. Je lui ai dit avant de signer : « On a un centre d'entraînement magnifique qui se construit mais là tu vas vivre dans un vestiaire qui n'a plus d'âge. » Il me dit : « Comment est la douche ? » Plus d'âge non plus, je réponds et j'ajoute : « Si tu es prêt à ça, tu es prêt à retrouver l'essence du football. Chez nous, tu retrouveras le sourire. »



Qui sont les nouveaux propriétaires arrivés cet été ?



Il y a Alex Zheng. un Chinois qui vit en Chine, actionnaire d'une chaîne d'hôtels qu'il a créée. Il y a aussi Chien Lee, un Sino-Américain, ami avec Alex Zheng, qui vit aux Etats-Unis. Ils ont pris 80 % de 80 % du club pour 20 M€. Paul Conway, Américain, possède les derniers 20 % des 80 %. Moi, j'ai gardé 20 %. Ils sont venus à la condition que l'équipe dirigeante reste. « On ne connaît pas le football, on vous laisse faire », disent-ils . Le mode de fonctionnement n'a pas changé.



Quand Balotelli signe, ils ne donnent pas leur avis ?



Je les appelle par courtoisie pour les informer mais ils n'interviennent jamais. Ils ne prennent aucune décision sportive, aucune décision administrative, rien. C'est incroyable. Alex Zheng dirige 3 000 hôtels. C'est un homme du tourisme. Je lui ai vendu une Côte d'Azur très attractive pour la Chine. Dans cinq ans, le nombre de touristes chinois aura explosé à Nice.



Vous avez rencontré plusieurs fois Nicolas Sarkozy. François Fillon, c'est votre tasse de thé ?



C'est un homme qui sera capable de redresser la France. La France est comme notre football : on a des handicaps mais aussi de formidables atouts. Si on ne prend pas conscience qu'il faut entreprendre de grandes réformes pour continuer à grandir, on sera en danger.