Le Gym s'est particulièrement fait remarquer sur la dernière décennie par ses jolis coups réalisés sur le mercato. De Seri à Atal, en passant par Plea, Dalbert, Balotelli et Ben Arfa

Son prix a été multiplié par 15 en trois ans. Acheté 800 000 euros, revendu 12 millions, Jean-Michaël Seri incarne parfaitement le savoir-faire de l'OGC Nice sur le mercato. Dénicher le bon potentiel au bon prix, lui offrir le contexte idéal pour s'exprimer et progresser, le vendre au moment opportun, le processus engage plusieurs composantes d'un club et c'est ce qui rend la tâche des plus complexes.

 

Cellule de recrutement, dirigeants et staff technique doivent être en harmonie pour maximiser les chances de réussite économico-sportive d'un transfert. Et il fallait aller le chercher Mika Seri à Paços de Ferreira en 2015... « J'avais parlé de lui à Morgan (Boullier, NDLR) un an plus tôt, rembobine Franklin Mala, le conseiller de l'international ivoirien né en 1991. Il aimait bien son profil, j'ai insisté sur le fait que c'était l'un des meilleurs milieux du championnat portugais à ce moment-là. »

Les deux hommes avaient noué une relation lors du passage à l'AS Monaco de Morgan Boullier, débauché en 2013 par le Gym. Un contact qui encourage Serge Recordier, alors responsable du recrutement niçois, à se déplacer lors d'un Porto-Paços de Ferreira.

 

"Un club précurseur sur le Portugal"


Jean-Michaël Seri fait partie de l'équipe vaincue ce soir-là, mais l'observateur du Gym flaire la bonne affaire. « Encore fallait-il faire vite pour doubler la concurrence sur le dossier », ajoute Franklin Mala. « Julien Fournier ne perd pas de temps, il est très réactif. Quand il sent notre conviction sur un joueur, il enclenche, » assure Serge Recordier, de retour dans la cellule niçoise après un interlude d'une saison à l'AS Monaco.

 

Lille, puis l'ASM arrivent trop tard sur le dossier Seri, l'OGC Nice finalise la transaction en février 2015 avec un pourcentage de 15 % sur la plus-value accordée aux Portugais pour faire descendre le prix à 800 000 euros. « Nice a recruté malin. Et ils ont continué sur cette lancée pour devenir selon moi le précurseur sur le championnat portugais », poursuit Franklin. Ricardo Perreira (Porto) et Wallyson (Sporting), deux joueurs prêtés, arrivent également de l'élite lusitanienne cet été-là. Après Carlos Eduardo (2014, Porto), et avant Dalbert (2016, Vitoria Guimaraes) et Danilo (2018, Braga).

 

Des bonnes affaires, le Gym a aussi pris l'habitude d'en faire en Ligue 2. Claude Puel s'appuie particulièrement sur l'antichambre de l'élite française pour recruter sans grands moyens durant son mandat de quatre ans. Le coach s'appuie sur l'expertise de Serge Recordier, avec qui il a partagé huit ans à l'AS Monaco dans les années 80, et de l'œil averti de Jean-Philippe Mattio, un ancien Aiglon qui n'aura connu qu'un seul club dans sa vie. Alassane Plea (2014, prêté à Auxerre par l'OL), Maxime Le Marchand (2015, Le Havre), Rémi Walter (jan 2016, Nancy), Arnaud Souquet (2016, Dijon), Arnaud Lusamba (2016, Nancy), Adrien Tameze (2017, Valenciennes) n'avaient jamais joué en Ligue 1. Ils ont disputé la Ligue Europa, voire un barrage de Ligue des champions, sous le maillot de l'OGC Nice. Christophe Hérelle, lui, était suivi depuis déjà sa première saison en L2, en 2015 lorsqu'il évoluait à Créteil.

 

Sur chaque match supervisé, le recruteur du Gym doit établir un rapport sur chacun des joueurs. Un travail minutieux, éprouvant.

 

Coach, le rôle pivot


Depuis 2013, les arrivées de Gérald Passi - qui a quitté le club depuis - et Gianni Gullo - un ancien recruteur du Milan AC qui avait repéré... Patrick Vieira pour les Rossoneri - ont apporté davantage de moyens humains à une cellule « qui voyage, qui travaille, dans un club qui prend toutes ses décisions de manière collégiale, appuie l'agent de Seri. Ils ont démontré une envie de réussir sans avoir de gros moyens financiers. Mais ce n'est pas l'argent qui fait le succès, c'est la qualité des hommes aux bons postes. Avec le bon entraîneur, qui créé l'osmose. La chance qu'on a eue, c'est que Nice jouait au football. Puel voulait du jeu, Favre l'a bonifié, Mika était à l'aise. Il n'aurait pas eu la même trajectoire partout. »

 

Le coach est à chaque bout de la chaîne dans ce fonctionnement. En amont, il donne ses critères par poste, les profils recherchés. Les recruteurs exposent leurs trouvailles, il tranche. Soit plus la cellule de recrutement répond à ses attentes, plus la recrue a de chances d'être utilisée et bonifiée par l'entraîneur.

 

« C'est un combat parfois, avoue Serge Recordier. Les entraîneurs voient davantage les défauts quand nous, on se fie à un potentiel. Il faut convaincre sur les aspects sportifs, débattre. »

 

Et effectuer parfois quelques ajustements. Plutôt sceptique au premier abord sur le dossier Plea, Claude Puel tirera la quintessence de l'ailier lyonnais en le replaçant en pointe.

 

« C'est le travail du staff technique, mais c'est un joueur qui a le bon état d'esprit aussi. Il n'est pas parti en Allemagne et obtenu une sélection nationale pour rien, souffle un agent. D'autres n'ont pas su aller chercher leur chance, se sont arrêtés à quelques fulgurances. »

 

Les erreurs de casting font partie du jeu et les entraîneurs s'en accommodent plus ou moins bien. Plus inquiet que son prédécesseur au sujet des transferts, Lucien Favre avait contraint Julien Fournier à couper son téléphone portable sur les dernières heures du mercato estival 2016 tant le technicien suisse se préoccupait des profils choisis. Le DG avait finalisé les arrivées de Balotelli et Belhanda sans l’accord du Suisse.

 

A l’été 2017, le coach désirait un latéral gauche plus que tout pour pallier le départ imprévu de Dalbert à l'Inter Milan. Il avait jeté son dévolu sur Racine Coly (Brescia, Serie B) en se fiant à quelques vidéos. Le timing n'avait pas permis aux scouts du club d'approfondir le travail sur le terrain et cette opération ne représente pas, jusqu'ici, un franc succès.

 

« C'est le danger quand tu n'as plus vu un joueur depuis un certain temps, manque une vision élargie sur les vidéos, explique un recruteur. Et la vitesse est tronquée à l'écran. »

 

La data, soit les données physiques de la performance d'un joueur, réduit la marge d'erreur dans le jugement avec une meilleure appréhension des qualités athlétiques. Mais rien ne vaut le déplacement pour se donner un maximum de chances de tomber sur la perle rare.

 

Youcef Atal, le coup de cœur


Serge Recordier était en Belgique pour superviser un attaquant. Mais c'est le jeune latéral droit de Courtrai qui va lui taper dans l'œil. « Ça m'est arrivé quelquefois. J'avais eu le même ressenti lorsque j'ai vu Ngolo Kanté disputer son premier match de championnat à Caen. J'avais d'ailleurs écrit dans mon rapport qu'il serait international. Ricardo Pereira, Courtois, Varane, dont j'ai vu le premier match avec Lens contre Montpellier, font aussi partie de ces coups de cœur ». Qui restent parfois inassouvis. Et pas seulement pour des raisons économiques. Car là où les dirigeants niçois se démarquent, c'est dans leur capacité à tenter les paris que d'autres n'osent pas effectuer. Youcef Atal serait peut-être encore actuellement à Courtrai si Jean-Pierre Rivère et Julien Fournier ne s'étaient pas fiés bec et ongles à leur recruteur. Hatem Ben Arfa et Mario Balotelli n'auraient, eux, probablement jamais autant brillé en Ligue 1 si le binôme n'avait pas suivi son instinct.

 

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