Une certaine excitation précède les débuts attendus de Patrick Vieira en Ligue 1. Recruté le mois dernier à la place de Lucien Favre, le vainqueur du Mondial 98 et de l’Euro 2000 s’apprête à suivre le sillage doré de Laurent Blanc, Zinédine Zidane ou Didier Deschamps. Rencontré à l’hôtel qui abrite les Niçois, en stage, l’ancien milieu international de 42 ans (107 sélections) s’est longuement épanché, hier, sur son cheminement en tant qu’entraîneur et sur ses idées, portées sur le beau jeu.

 

« Peut-on parler, à votre sujet, d’une vocation d’entraîneur tardive ?

 

On peut dire ça comme ça, oui ! Je ne m’interrogeais même pas, au départ. C’est quelque chose qui ne m’intéressait pas. Je ne me voyais pas comme entraîneur. Mais, en fin de compte, j’ai passé du temps avec les jeunes de City et je me suis vraiment senti à l’aise. Pour répondre à une question comme celle-là, en fait, il me fallait d’abord essayer de vivre le moment.

 

À quoi avez-vous compris que vous aviez envie d’entraîner ?

 

Le contact avec les jeunes du centre (de formation), les regards... Je me suis senti bien et c’est quelque chose de vraiment important pour moi. J’y ai pris goût, j’ai décidé de passer mes diplômes, puis j’ai pris la deuxième équipe de City et là je me suis dit : “On va essayer.”

 

Vous êtes un peu l’anti-Deschamps car, le concernant, le technicien perçait déjà sous la peau du joueur...

 

Non. Je ne dirais pas ça. Lui, il le savait depuis le début et, moi, je l’ai su un peu plus tard, tout simplement.

 

Dans une interview au '' Times '', vous avez déclaré avoir été plus influencé par José Mourinho que par Arsène Wenger...

 

Quand tu lis un bout comme ça, ça a l’air... Mais, précisément, Arsène nous donnait pas mal de libertés et Mourinho entrait plus dans les détails de l’équipe adverse, de ce qu’il voyait des joueurs, à la différence d’Arsène, dont la philosophie était différente.

 

Vous seriez plus Mourinho ou Wenger ?

 

C’est important de donner des informations aux joueurs pour essayer de faire un bon match mais, en même temps, il faut leur laisser cette liberté de pouvoir s’exprimer. Il y a davantage de responsabilisation, chez Arsène. Un mélange des deux, ce serait très bien !

 

C’est votre idéal ?

 

On peut dire ça comme ça. Mais, après, j’ai passé une semaine avec (Maurizio) Sarri quand il était à Naples, huit ou dix jours avec (Jorge) Sampaoli au Séville FC, une semaine avec Pep (Guardiola) au Bayern Munich. Ils ont tous une philosophie assez claire avec un jeu vers l’avant, pour prendre des risques et marquer des buts. Pourrai-je le faire ? On verra. Ce qui est sûr, c’est que j’ai envie de continuer le travail qui a été fait ces quatre dernières années avec Claude (Puel) et Lucien (Favre) sur la possession, le jeu vers l’avant, car c’est ainsi que je vois le foot.

 

Justement, pourriez-vous résumer vos principes ?

 

Essayer de poser le jeu et de redoubler les passes mais, en même temps, jouer vers l’avant, tout en essayant de garder un bloc assez compact. Prendre des risques pour tenter de marquer le plus de buts possible, je suis prêt à le faire. Ce qui m’importe, c’est de tirer le maximum des joueurs pour essayer de pratiquer un beau foot. À partir du moment où on joue bien, on a plus de chances de gagner un match sur la durée, en sachant qu’il faudra se donner les moyens, aussi, de travailler très dur. Après, je n’aurai pas la prétention de dire qu’on jouera comme le Barça, l’Espagne, Séville ou telle ou telle équipe.

 

L’idée de possession n’est pas très à la mode durant ce Mondial : est-ce ponctuel, selon vous ?

 

Je ne pense pas qu’il y ait un système ou une manière de jouer meilleure que l’autre. De grands techniciens comme Mourinho, Wenger ou Guardiola s’appuient sur des philosophies différentes, mais ils ont tous gagné, comme(Antonio) Conte à Chelsea. Ils ont réussi à convaincre les joueurs d’évoluer d’une certaine manière. À partir de là, les joueurs s’expriment. Ce qui est important pour moi, c’est de les convaincre du système qu’on va utiliser. Je sais où je veux aller, comment je veux voir l’équipe jouer et ce que je veux de chaque joueur à chaque position. J’ai une idée claire de ce que je vais leur demander.

 

Qu’allez-vous changer ?

 

Lors des quatre dernières années, Nice a très bien joué au ballon et a montré qu’il pouvait produire du beau jeu. Je vais d’abord continuer à m’appuyer sur ce qui a été très bien fait, avec une ou deux choses qui peuvent être différentes par rapport à ma façon de voir le jeu.

 

Ce n’était pas tout à fait le même jeu entre Puel et Favre...

 

Oui, mais la philosophie est restée identique. Claude (Puel)l’a initiée, même s’il y avait moins de passes : c’est là que l’identité du club s’est créée. Après, ç’a continué avec Favre, même si une ou deux touches ont été différentes. Moi, ce que je veux, c’est continuer à jouer. Tu peux changer un ou deux détails dans la construction et dans l’utilisation du ballon, mais ça restera pareil, je garderai l’esprit de repartir de derrière.

 

Vous êtes attendu en raison de votre palmarès mais aussi de cette réputation de beau jeu : cela met-il une pression supplémentaire ?

 

Je ne sais pas si c’est cette réputation de beau jeu ou parce que je suis un ancien de France 98 et que certains d’entre nous ont très bien réussi en tant qu’entraîneur. Mais tout ça fait que la pression va être là, sans que ça ne me dérange. Quand on se lance dans ce métier, on vit avec.

 

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Regardez-vous les exemples de Deschamps, Zidane et Blanc ?

 

J’espère réussir comme eux, mais ce n’est pas parce qu’ils l’ont fait que je vais forcément réussir, moi. On a des trajectoires différentes, mais ce sont de bons exemples à suivre. J’en ai parlé à Zizou quand on s’est vus pour le match des vingt ans de 1998. Il m’a expliqué comment il s’est organisé quand il a pris le Real. J’ai parlé avec Lolo (Blanc)des difficultés qu’il a rencontrées à Bordeaux. Pour moi, c’était génial !

 

Vous n’avez pas forcément choisi la facilité en revenant en France...

 

Quand je faisais mes choix comme joueur, ce n’était pas en fonction de la simplicité ou de la difficulté. Je me demandais là où j’allais être le mieux possible. Pour entraîner, c’est pareil. J’aurais pu aller ailleurs qu’à New York (qu'il avait rejoint en janvier 2016), mais il y avait une structure autour de moi qui allait me permettre de faire ce que je croyais bon pour le club. C’est la même chose ici.

 

La facilité aurait pu consister à rester à New York et à se dire que le banc de City pouvait vous accueillir un jour ?

 

Je ne pense pas que ç’aurait été une facilité. Mais Nice est un beau challenge pour moi, mais pas un challenge ou je pars de zéro. Si j’ai décidé de venir, c’est parce que je vais me donner les moyens de réussir. J’ai posé des questions, j’ai eu des réponses et le feeling est passé.

 

Vous étiez forcément prévenu qu’il y avait des départs de plusieurs cadres, Seri, Balotelli et Plea...

 

Je savais que certains cadres allaient peut-être partir. Mais il va y avoir des arrivées. Les joueurs qui risquent d’arriver apporteront beaucoup. C’est programmé depuis l’année dernière, ce n’est pas à une semaine du mercato qu’on a commencé à travailler. Des noms sont prévus depuis des mois, ça s’anticipe. Pour moi, il n’y a aucun souci.

 

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Votre nom avait été cité, avant, dans des clubs français, à Saint-Étienne, notamment. Avez-vous dit oui à Nice en raison de cette philosophie qu’on a longuement évoquée ?

 

Oui. Je pense que c’est un club, au niveau des fondations, assez solide pour pouvoir faire du bon travail. J’ai aussi rencontré le président (Jean-Pierre Rivère),Julien (Fournier, directeur général), avec qui j’ai eu un très bon feeling. On a discuté du club à plusieurs reprises, du projet. Il m’a fait une présentation de Nice et je savais où j’allais mettre les pieds. La différence entre le Gym et les autres clubs, c’est que Julien s’est déplacé à New York. Il m’a dit : “Je viens te voir.” Les autres clubs, c’était : “Si t’es sur Paris entre telle date et telle date, on s’appelle et on se voit.” Ce n’est pas la même démarche et, pour moi, c’est important.

 

C’est ce qui vous a poussé à aller aussi loin pour quitter New York et le City Group ?

 

Oui, car ce n’était pas évident, dans le sens où ce n’était pas programmé : il n’y avait pas d’envie de départ. Mais le fait qu’ils aient fait l’effort de venir à New York, qu’on ait passé du temps ensemble plus d’une fois, qu’on soit vraiment entrés dans les détails... Je ne le regrette pas. Ça fait une semaine que je suis là et ça se passe comme on me l’avait dit