Pour juger les acteurs du triste Nice-Marseille, qui n'est pas allé à son terme, le 22 août, à la suite de violents incidents sur la pelouse de l'Allianz Riviera, la LFP a délocalisé sa commission de discipline dans un grand hôtel parisien. La salle du conseil d'administration de la Ligue, qui sert les mercredis soir à recevoir les mauvais élèves du week-end, a été jugée trop exigüe puisque pas moins de vingt-deux personnes ont été convoquées. Mais il s'agit, aussi, de semer les curieux, journalistes et supporters, attirés par la première grosse polémique de la saison.

 

 

Car ce soir-là, la L1 a attiré les regards du monde entier pour de bien mauvaises raisons. C'est à la 75e minute, sur un corner de Marseille, que la soirée est partie en vrille. Après plusieurs alertes et malgré des rappels à l'ordre du speaker, une nouvelle bouteille a été lancée depuis le kop niçois, touchant dans le dos Dimitri Payet qui s'est écroulé. Avant de se relever pour renvoyer la bouteille vers la tribune, et d'en relancer une deuxième qu'il n'a eu aucun mal à trouver autour de lui. Ses partenaires Alvaro Gonzalez et Mattéo Guendouzi étaient déjà là, face aux supporters azuréens, pour s'expliquer, et tout a dégénéré. Des spectateurs sont descendus sur la pelouse pour frapper les Marseillais, et une énorme échauffourée a été très difficilement contenue. Au bout du compte, à 23 h 48, l'arbitre, sous l'injonction du préfet, a demandé la reprise du match, mené 1-0 par les Niçois. Mais les Marseillais ont refusé, forçant M. Bastien à mettre définitivement fin à cette mascarade.

 

Faire rejouer le match pourrait créer une jurisprudence dérangeante

 

Après avoir décrété un huis clos à titre conservatoire de l'Allianz Riviera pour la réception de Bordeaux (4-0, le 28 août), et suspendu Pablo Fernandez, le préparateur physique de l'OM qui avait frappé un supporter niçois, la commission de discipline doit maintenant trancher cet épineux dossier. Il faut d'abord décider du sort de la rencontre. Certains avaient imaginé que le plus simple était de la faire rejouer, afin de ne pas prendre parti entre les deux camps. Mais il n'est pas certain que ce soit la solution finalement choisie. Car elle pourrait créer une jurisprudence dans laquelle des clubs pourraient s'engouffrer. Même si ses joueurs ont subi des agressions de supporters niçois, l'OM a refusé de reprendre un match qu'il était en passe de perdre... S'il était autorisé à le rejouer, d'autres pourraient, par exemple, invoquer, dans le futur, un terrain jugé impraticable et dangereux pour refuser de poursuivre une rencontre... L'option de faire jouer seulement le dernier quart d'heure, pour terminer la rencontre interrompue, ne semble pas être envisagée non plus.

 

À l'arrivée, la commission pourrait donc être tentée de « geler » le match, c'est-à-dire de ne pas le faire rejouer et de n'attribuer de points à personne. Ainsi, Nice, fautif pour n'avoir pas assuré la sécurité des acteurs du jeu, et Marseille, qui n'aurait pas dû refuser de reprendre, seraient renvoyés dos à dos. Avec la possibilité pour l'un ou l'autre, ou plus certainement les deux, de se tourner ensuite vers la commission d'appel qui siège à la Fédération.

 

Nice assume être fautif sur la sécurité mais « serein » sur le volet sportif

 

Par ailleurs, Nice pourrait être sanctionné au-delà du huis clos déjà prononcé de même, à des degrés divers, que tous les joueurs, entraîneurs et dirigeants impliqués dans les troubles graves qui se sont déroulés sur la pelouse.


Du côté niçois, on veut croire à une autre issue. « La logique voudrait que, sur le volet sécuritaire, la responsabilité du club soit engagée à cause des jets de bouteille et de l'envahissement du terrain, estime Julien Fournier, directeur du football de l'OGCN, qui se déplacera à Paris avec Jean-Pierre Rivère, son président. Sur le volet sportif, si l'on s'en tient au déroulé des faits, on est sereins. Mais des gens qui sont au plus haut sommet du football français (Noël Le Graët, le président de la FFF, qui a affirmé que le match n'aurait pas dû reprendre) se sont permis des déclarations un peu inquiétantes. C'est cet environnement médiatique de personnes qui se sont exprimées sans connaître le dossier et sans en avoir la légitimité qui nous inquiète. Pour moi, le volet sportif est d'une limpidité absolue. Les autorités préfectorales n'ont pas dit : "Il faut reprendre le match sinon il y a un désastre". Elles ont dit : "Il faut reprendre le match parce que le terrain est sécurisé". » L'OM n'envisage, pour sa part, qu'une issue : une défaite de Nice et trois points dans son escarcelle.