Ambitieux et portés par un recrutement déjà riche, les Niçois passent une semaine de stage en Autriche, où nous les avons suivis de l’intérieur.


SAALFELDEN (Aut) – La grande montagne qui surplombe le petit stade de Grödig, à quelques kilomètres de Salzbourg, semble sortie d’une brochure touristique consacrée aux charmes des sommets autrichiens. Écrasée par le soleil, samedi dernier, elle découpe majestueusement le ciel bleu, mais ne projette pas d’ombre sur le terrain, où les Niçois constatent qu’il ne fait pas seulement très chaud sur la Côte d’Azur. Ils démarrent leur stage par un match amical contre le DAC 1904, et les remplaçants doivent se réfugier en tribunes pour chercher un peu de fraîcheur. Ils ont à peine le temps de s’asseoir qu’Amine Gouiri marque son premier but avec le Gym. C’est le début d’une partie de plaisir qui s’arrête à 6-0 avec un doublé de l’ancien Lyonnais, et ses coéquipiers se demandent si leur adversaire a vraiment battu Marseille le 25 juillet (2-1).


Un membre du club slovaque confirme que le onze de départ est celui qui a affronté l’OM, mais les Niçois sont bien placés pour savoir qu’il ne faut pas tirer trop d’enseignements. Ils disputent leur sixième match amical de l’été et ont dû attendre le cinquième pour gagner. Hasard ou pas, il s’agissait du premier joué par Morgan Schneiderlin, qui s’était contenté de quarante-cinq minutes de jeu contre le Standard de Liège (2-1, le 25 juillet). Opéré du ménisque en février, l’ex-milieu d’Everton doit encore prendre le rythme mais ses interventions marquent déjà ses partenaires, qui soupirent d’admiration après un gros tacle. « Lui, il est impressionnant. Il va nous apporter le muscle et l’agressivité qui nous manquaient. Je ne le voyais pas si fort à la télé », dit l’un, alors qu’un autre acquiesce avant d’éclater de rire : « Oui, je pense que ça peut être un bon boucher ! » Schneiderlin les rejoint à l’heure de jeu et il n’a pas encore la force de plaisanter. « Je suis mort », lâche l’international français (15 sélections), et Yoan Cardinale le laisse souffler avant de lui présenter son projet.


Le lendemain, une sortie rafting est prévue et le gardien numéro 2 tient à attirer les éléments les plus solides dans son embarcation. Affûté comme jamais, il échange avec tout le monde et tente même quelques mots d’anglais avec Flavius Daniliuc, qui lui répond en français. « C’est à moi de faire le premier pas, je dois progresser dans votre langue, assure le défenseur autrichien recruté au Bayern Munich, toujours souriant. L’intégration est facile alors que ça ne coulait pas de source. Les Allemands ne vont pas aimer que je dise ça, mais j’ai l’impression que les gens sont plus heureux ici. »

 

 

« Cardi » est en effet plutôt content : « Je passe un bon après-midi car j’ai pris 50 € à Flavius au jeu de la barre, à l’échauffement. Ce n’est pas moi qui suis allé le chercher, il est venu me dire que le premier qui touchait la barre gagnait. J’avais déjà gagné 50 € hier avec Dante, qui a voulu parier que le Bayern gagnerait par plus de trois buts d’écart contre l’OM (1-0). » Voici un beau pécule en vue des parties de poker organisées le soir à l’hôtel, mais Cardinale ne perd pas de vue le terrain et crie « Allez khouya pousse ! », quand Youcef Atal déborde. Khouya, frère en algérien, c’est le surnom donné par Dante au latéral droit qui retrouve aussi les terrains après une blessure au ménisque, la même que Schneiderlin. Atal était la révélation de la saison 2018-2019, et de nombreux Niçois sont persuadés que le milieu Hicham Boudaoui sera la nouvelle sensation venue d’Algérie, après une année d’adaptation. « Hicham, tu ne peux pas ne pas l’aimer. Il est trop fort. Avec Youcef, ce sont deux piles », clame Cardinale, tandis que le milieu Pierre Lees-Melou, joueur de champ le plus utilisé la saison dernière, voit poindre une nouvelle concurrence : « Il se passe quelque chose. Les ambitions sont annoncées depuis l’année dernière avec Ineos, le nouveau propriétaire, et il y a maintenant les joueurs pour. Au même moment, l’été dernier, on entendait parler de tous les noms, mais il n’y avait personne, il avait fallu attendre la fin du mercato et on avait dû créer les automatismes en Championnat. Là, il y a déjà les bases. » Les cinq premières recrues (les défenseurs Robson Bambu, Daniliuc, Hassane Kamara, le milieu Schneiderlin et l’attaquant Gouiri) ont déjà participé au stage de Divonne-les-Bains (Ain), début juillet, et tout avait été calé pour que la sixième puisse se rendre en Autriche (*).


Le milieu offensif Rony Lopes a été prêté mercredi dernier par le Séville FC, mais il est rentré vendredi au Portugal pour être au côté de sa mère, dont il a annoncé le décès dimanche. Touché, Patrick Vieira connaît très bien Rony Lopes, qu’il a dirigé au sein de la réserve de Manchester City (2013-2015). L’entraîneur sait qu’il va falloir travailler mentalement avec le joueur qui sort d’une saison blanche, mais il compte aussi beaucoup de certitudes. « Par rapport à l’été dernier, on travaille sereinement. On va bosser techniquement, tactiquement, mais le gros travail a été fait. Ce que je veux ici, c’est que les joueurs apprennent à vraiment se connaître, car on doit créer des liens solides pour traverser les moments difficiles, confie le technicien niçois, qui tenait à la sortie rafting. On a beaucoup de nouveaux joueurs qui ont besoin d’être à l’aise. Avec cette activité, l’objectif a été atteint, car ils en rigolent encore. Des mecs ont l’air un peu plus sérieux et on voit qu’ils aiment bien déconner. On a découvert le sens de l’humour d’Amine (Gouiri), c’est agréable. »


D’ordinaire discret, l’attaquant a fait rire tout le monde en passant par-dessus bord la guide qui l’accompagnait sur son bateau. « On a bien rigolé, sourit Schneiderlin. C’est cool d’être ensemble et de pouvoir se parler davantage alors que la préparation est longue. Mais quel fêlé Cardi… » Quand on parle de vie de groupe, on en revient toujours au gardien qui a vécu les trois heures de rafting comme il en rêvait. « On avait un bon bateau de compétiteurs car j’ai fait un excellent recrutement, j’étais Julien Fournier (le directeur du football). On a mis des mecs à l’eau, on partait à l’abordage. Parfois, il y a une barrière entre le staff et les joueurs. Là, tout le monde s’est attaqué, ça veut dire qu’il n’y a pas de gêne. Il y a le respect, mais on s’est éclatés tous ensemble. Bon, je n’ai quand même pas jeté le coach à l’eau, raconte Cardinale. Un mec qui ne nous connaît pas doit penser que Morgan est là depuis deux ans, pareil pour Amine. Hassane (Kamara) est tellement dans le bain que c’est un poisson… On joue au loup-garou le soir, on est plus de vingt alors que ça peut être dur de réunir tout le monde. »


Dimanche soir, Khephren Thuram et Patrick Burner tapent d’ailleurs à la porte de la chambre de Lees-Melou. Ils sont rejoints par le troisième gardien, Teddy Boulhendi, et s’amusent pendant une heure et demie au Ludo, un jeu sur tablette qui ressemble aux petits chevaux. « Il y a des groupes un peu partout dans les chambres, on fait des jeux, on a la table de ping-pong, certains regardent des séries mais on essaie de ne pas s’enfermer seuls, même si tu commences à en avoir marre de certains à la fin de la journée, se marre Lees-Melou. On fait des paris à la con, et là Khephren va nous servir le déjeuner à table car il a fini dernier au Ludo. » Avant le repas, lundi, il y avait surtout la première séance de la semaine qui en comptera deux par jour.


Les nuages croquent les montagnes depuis la veille, et il n’est plus l’heure de rire. Le matin, Vieira convoque seulement ceux qui n’ont pas débuté face au DAC 1904 et il prend part aux jeux de conservation en une touche, dans un espace réduit. D’ordinaire, il lance un gardien pour faire le nombre, mais ils sont tous occupés car Nicolas Dehon les fait transpirer. Arrivé en janvier pour succéder à Lionel Letizi, devenu entraîneur général des gardiens du centre de formation, l’ancien Marseillais s’est vite adapté : « Je ne suis pas trop dépaysé car ce que je vis à Nice me rappelle ce que j’ai connu dans le haut niveau au Paris-SG (2013-2017), avec davantage la passerelle entre la formation et les pros ici. Je suis arrivé dans le bon projet au bon moment. »


Le staff médical a aussi été développé et tous les blessés ont été amenés en Autriche, même si Boudaoui, touché à un genou, est rentré hier à Nice pour passer des examens. « On est venus avec quatre kinés, un ostéo, une diététicienne, explique Jean-Philippe Gilardi, un des deux médecins qui multiplient les messages de sensibilisation aux gestes barrières. On parle beaucoup de coronavirus mais l’intérêt d’un stage est évident. On contrôle mieux ce qu’ils mangent, les charges d’entraînement… » Tout est optimisé et un spécialiste débarque aujourd’hui pour tester le sommeil des joueurs, ce qui rappelle la théorie des gains marginaux chère à l’équipe cycliste Ineos. Petit à petit, Nice veut devenir grand et ça commence vraiment cette saison.


(*) Officialisée lundi, la septième recrue, le latéral suisse des Young Boys Berne Jordan Lotomba, intégrera le groupe à Nice la semaine prochaine.

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