Le capitaine brésilien de l’OGC Nice se satisfait de la décision gouvernementale car il ne voulait pas reprendre son activité en mai.Confiné en famille au Brésil, Dante suit toujours de très près l’actualité française et il a regardé en direct l’intervention du Premier ministre Édouard Philippe, hier. Le défenseur niçois (36 ans) a apprécié la décision du gouvernement car il ne souhaitait pas retrouver les terrains en mai, et il était déterminé à le faire savoir depuis le week-end dernier.

 

 

Comment avez-vous accueilli l’annonce d’Édouard Philippe ?

 

C’est très raisonnable, on l’attendait. En tant que footballeurs, on est des privilégiés mais ce qu’on vit est une crise mondiale et on est tous pareils. C’est un soulagement car les moments de doute sont finis. On se posait des questions sur l’entraînement après le 11 mai, comment on allait rester à quatre mètres de distance pour respecter les consignes médicales, comment on allait jouer ou pas… Là, tout est clair, on peut rester confinés et préparer la reprise proprement.

 

Qu’est-ce qui vous gênait le plus ?

 

Beaucoup de gens sont morts ou endeuillés, on ne sait pas régler un gros problème mondial mais on voulait trouver la solution pour jouer au foot… Au lieu de se concentrer sur ce qui allait améliorer la situation du peuple, on réfléchissait au jeu. C’est notre travail mais ce n’est pas une priorité : des gens vont à l’hôpital, d’autres dépendent de petits boulots qu’ils perdent mais les footballeurs auraient joué ? Alors que ceux qui ont vraiment besoin de travailler ne peuvent pas ? C’était indécent. On serait passés pour des guignols. Ce n’était pas une démarche logique, car le foot ne va rien améliorer. Il y a aussi des métiers qui dépendent du foot, mais ce n’est pas le bon moment pour prendre autant de risques. En plus à huis clos, alors que le foot est là pour lier les gens.

 

Peu de joueurs ont parlé de cette situation. Pourquoi ?

 

Beaucoup étaient choqués, certains ne voulaient pas s’avancer sur un sujet qu’on connaît mal, et d’autres ont pensé aux intérêts des clubs. Mais j’avais le même discours avant celui du Premier ministre, et j’aurais dit la même chose s’il avait annoncé qu’on reprenait le 11 mai. On peut être européens (Nice était sixième de L1 après 28 matches), maisje n’échangerais jamais la santé des gens contre une qualification européenne. Les intérêts des clubs deviennent tellement petits par rapport à ce qu’il se passe.

 

Aviez-vous peur d’être contaminé en reprenant trop tôt ?

 

On doit suivre toutes les consignes, et jouer au foot n’est pas le meilleur exemple. Mais il n’y a pas que les joueurs, il y a les hôtels, les zones mixtes, les ramasseurs de balle qui auraient dû être aussi testés… Beaucoup de choses pouvaient devenir dangereuses. Et le cas du petit de Montpellier (Junior Sambia, hospitalisé) m’a énormément touché.

 

Son cas a-t-il particulièrement sensibilisé la L1 ?

 

Beaucoup de joueurs avaient déjà compris, et les autres se sont rendus compte que ça pouvait attaquer n’importe qui. Il y a aussi nos entraîneurs qui sont plus vieux, les dirigeants… On allait augmenter le danger pour rien. Après, il va falloir apprendre à vivre avec ce virus, c’est sûr, mais quand on en saura davantage.

 

Des joueurs avaient-ils envie de jouer dès juin ?

 

Ce n’est pas une question d’envie. J’ai toujours envie de jouer au foot, ça me manque de ne pas sentir l’odeur de la pelouse, ça me perturbe. Des joueurs font des petites dépressions, mais est-ce que tu veux vraiment passer devant certaines choses plus importantes ? Est-ce que tu dois avoir des masques et des tests plus qu’un livreur ou un médecin dont la société a vraiment besoin ? Non.

 

Aucun joueur avec qui vous parlez ne voulait reprendre plus tôt ?

 

Si certains le pensaient dans nos groupes de discussion, ils n’en ont pas parlé. Des gens travaillent en se mettant en danger plus que nous, il faut leur laisser la priorité. Tous les tests qu’on aurait utilisés, qu’on les donne aux gens importants. Ce n’était pas non plus une bonne image. Si je joue et que je marque, je vais montrer ma joie, et que vont dire les gens en difficulté qui me voient m’amuser ?

 

Mais le système financier du foot peut aussi s’écrouler, y pensez-vous ?

 

Ce n’est pas évident. Les joueurs ont baissé leurs salaires pour aider le club (passage au chômage partiel). Peut-être que des choses vont revenir dans l’ordre, que c’est la fin des sommes exorbitantes. C’était un peu affolant et ça va nous inciter à revoir les montants extravagants des transferts, qui étaient une illusion. Les joueurs vont se rendre compte qu’ils peuvent vivre avec moins et les clubs vont comprendre que les transferts n’ont pas besoin d’être si élevés.

 

Êtes-vous prêt à faire plus d’efforts salariaux avec la prolongation de la période sans match ?

 

C’est normal d’aider le club mais je ne sais pas encore si ce sera nécessaire, on ne sait pas où on en est. Les droits télé de la prochaine saison seront plus élevés (1,153 milliard d’euros, dont 780 M€ de Mediapro), je suis persuadé que les clubs pourront s’en sortir. Et si ça devient problématique, on s’assoira autour d’une table.

dantecaen

Comment se passe le confinement au Brésil ?

 

Il ne faut pas penser que je suis au carnaval, au bord de la piscine, et que je reçois du monde à la maison. Je suis aussi très confiné. Je suis resté à l’heure française car mes enfants ont l’école en visioconférence, ils se réveillent à 3 heures du matin pour suivre les cours à 8 heures en France. Il fait encore nuit, c’est bizarre. Je les aide pour les cours, les devoirs, j’enchaîne avec mes entraînements, on regarde un film et on va dormir.

 

Avez-eu eu des moments de déprime ?

 

Quand je reviens en vacances, la maison est pleine, on fait des barbecues. Là, tu vois la piscine, le soleil, mais tu n’as pas envie de sortir, de te baigner, car la situation est particulièrement difficile au Brésil. En France, c’est au moins organisé économiquement. Chez nous, beaucoup de membres de ma famille ont un budget de 200 euros par mois, et comme ils ne travaillent plus, le gouvernement ne donne que 80 euros. Le quartier d’où je viens est très pauvre, je dois les aider. C’est dur de laisser les gens que tu connais avoir faim. Je me sens mieux d’être ici auprès d’eux, pour apporter un soutien moral et financier.

 

Savez-vous quand vous reviendrez en France ?

 

C’est encore flou, je suis à la disposition du club mais le plus important est de se consacrer à la santé de nos proches.