De retour à la direction de Nice, Jean-Pierre Rivère et Julien Fournier se confient, en compagnie de Bob Ratcliffe, le président d’Ineos football, sur le rachat du club.


Réunis sur le toit-terrasse du centre d’entraînement de Nice, les trois hommes n’avaient pas les traits tirés malgré l’enchaînement des rendez-vous. Le rythme est soutenu pour Bob Ratcliffe, Jean-Pierre Rivère et Julien Fournier. Président d’Ineos football, le premier devait repartir dans l’après-midi pour Londres après avoir enfin conclu le rachat du club azuréen. Les deux autres dirigeants venaient de faire leur retour officiel à l’OGC Nice, nommés respectivement par le conseil de surveillance « président » (Rivère) et « directeur du football » du club (Fournier). Hier matin, pendant une heure, les trois hommes forts du Gym version Ineos ont reçu L’Équipe et Nice-Matin. Une heure durant laquelle Fournier n’a répondu qu’à une poignée de messages et Rivère ne s’est échappé que deux minutes pour signer un contrat… C’est que chaque instant compte à quelques jours de la fin d’un mercato niçois qui ne va durer qu’une semaine.

 

Comment s’est passée votre rencontre avec Bob Ratcliffe ?

 

Jean-Pierre Rivère : Le début de l’histoire, c’est qu’en novembre je lis un article économique sur Ineos. J’y vois à la fin que Jim Ratcliffe s’installe à Monaco et qu’il aime le football. Je me dis tout bêtement qu’Ineos va essayer d’acheter Monaco. J’avais appris qu’il avait regardé Chelsea. Mais je me dis : “Pourquoi ne pas essayer pour l’OGC Nice ?” J’ai demandé à quelqu’un qui connaît des gens à Lausanne-Sport (racheté par Ineos en 2017) si je pouvais rencontrer la famille Ratcliffe pour pouvoir parler football avec eux. J’ai relancé en novembre, en décembre, en janvier, sans avoir de réponse. Quand on quitte le club avec Julien (le 11 janvier),une semaine après, je reçois un mail de Bob qui me dit qu’il aimerait nous rencontrer. On est partis à Londres avec Julien pour le voir. On s’était fixé comme objectif de trouver des investisseurs et on avait plusieurs pistes, mais à la deuxième rencontre, on s’est dit qu’on allait laisser tomber tout le reste, que c’était le meilleur investisseur possible pour le club.

 

Pourquoi ?

 

Jean-Pierre Rivère : Parce que ce sont gens qui ont les moyens de leurs ambitions. Ils ne vont pas faire n’importe quoi. On a vu qu’ils représentaient une opportunité juste incroyable pour l’OGC Nice. Vous avez des gens qui aiment le foot, qui ne viennent pas pour gagner de l’argent dans le football – même s’ils ne viennent pas pour en perdre. Ils viennent juste pour avoir du plaisir, du succès, et dans une volonté de bâtir. Avec Julien, notre travail a été de faire des fondations pendant des années. Aujourd’hui, on peut se permettre de regarder les étages à élever.

 

Julien Fournier : Un des points qui dénote avec les actionnaires précédents, c’est qu’à Ineos ce sont des gens qui ont la vraie culture du football européen tel que nous, nous le vivons. Ils n’appréhendent pas ça comme un business pour faire de l’argent. Ce sont des amoureux du foot et du sport en général.

 

Bob Ratcliffe, étant donné les différends qu’ils avaient avec les anciens propriétaires, avez-vous songé à venir sans Julien Fournier et Jean-Pierre Rivère ?

 

Bob Ratcliffe : Sans l’engagement de Julien et Jean-Pierre, nous n’aurions pas acquis le club. Notre expérience à Lausanne-Sport nous a servi. Il y a beaucoup de personnes qui ont réussi à Ineos : il y a de bons juristes, de bons chimistes. Mais ce que nous n’avons pas, ce sont des gens capables de diriger un club de football. Ce que nous avons vu à Lausanne, dans un plus petit club, c’est que nous avions besoin d’acquérir une expertise que nous n’avons pas et que nous ne pouvons pas apprendre. Tout ce que savent Julien et Jean-Pierre, on ne peut pas l’avoir comme ça. Nous visons l’excellence dans tous les domaines et ils reflètent cette excellence… même si Julien a perdu hier (mercredi, Nice-Marseille, 1-2), parce que c’est lui le responsable du football… (Rires) Julien Fournier : (Sourire)…Mais je n’étais pas encore nommé…

 

Quand on voit le profil de vos premières recrues, elles sont toutes jeunes ; il n’y a pas de Mario Balotelli ou de Dante. Quel est l’exemple à suivre ? Lille, dans sa volonté de recruter des joueurs à fort potentiel pour faire du « trading » ?

 

Julien Fournier : On ne va pas chercher Lille ou un autre club en exemple. Mais si je devais citer un modèle, ce serait plus Lyon dans sa capacité à développer des jeunes joueurs, qu’ils aient été recrutés ou issus de leur Académie – qui a montré qu’elle était capable de former des joueurs de très haut niveau, ce que Nice aujourd’hui, il faut être clair, n’a pas montré, ce qu’on doit développer. Mais quand on voit Kasper Dolberg, il est jeune, mais il est expérimenté. On a un mercato qui aura duré quinze jours, donc il n’y aura pas d’enseignements à tirer sur les profils. Si demain il y a un Dante à faire, on fera un Dante. Après, le principe de base chez nous, c’est de ne pas investir sur des joueurs de plus de vingt-trois ans.

 

Jean-Pierre Rivère : La grosse différence par rapport à avant, c’est que nous n’avions pas de moyens. Aujourd’hui, on a des moyens contrôlés, mais on a plus de moyens. On a la capacité de “faire” un Dolberg(en transfert). Avant, ça aurait été un prêt sans option d’achat, donc ça n’aurait pas été possible. On aura accès à des joueurs auxquels on n’avait pas accès auparavant. Mais le « trading », ce n’est pas l’objectif du tout. Quand on prend des jeunes recrues, c’est pour les faire grandir et les garder le plus longtemps possible. Aujourd’hui, on a les moyens de garder nos jeunes. Avant, on vendait parce qu’il le fallait pour vivre. Le grand changement va être là. Ce qui nous arrive aujourd’hui, c’est une vraie chance pour ce club. »