STÉPHANE JOCHEM ne devrait pas s’ennuyer ce soir. Habitué à diriger des rencontres de National ou de CFA, le quatrième arbitre de Rennes- Nice sera assis entre deux volcans. À sa droite, Frédéric Antonetti. À sa gauche, Guy Lacombe. Le premier classe le second parmi « les bons entraîneurs français, de ceux qui comptent ». Le second assure avoir « beaucoup de respect, comme tous les gens du football, pour le travail accompli » par le premier. Apparus dans le paysage de la L 1 au milieu des années 1990, Antonetti et Lacombe, anciens formateurs de Bastia et de Cannes, font désormais figure de dinosaures. Le compteur du Niçois affiche 324 matches sur un banc de L 1. Celui du Rennais six de plus. Seuls l’Auxerrois Jean Fernandez et le Nantais Élie Baup les dépassent.

Presque partout où ils sont passés, ils ont réussi à faire des miracles dans des contextes parfois tendus et/ou avec des moyens limités. Lacombe a connu un accroc avec Toulouse (1998-janvier 1999) qui ne pèse rien face au reste de son parcours : le sauvetage au plus haut niveau de Cannes (1995-1997), la remontée de Guingamp et deux maintiens dans la foulée (février 1999-2002), les places d’honneur et la Coupe de la Ligue avec Sochaux (2002-2005), la Coupe de France 2006 avec Paris. À part un petit détour par Osaka (Japon, 1998-1999), Antonetti a fait grandir deux clubs de format moyen (Bastia, 1994-1998 et 1999-2001 ; Nice depuis 2005) et fait retrouver la L 1 à Saint-Étienne (2001-2004).

Ces résultats probants leur ont permis de durer. Mais ils n’ont pas suffi à leur ouvrir les portes d’un vestiaire armé pour jouer les premiers rôles. « C’est une question de circonstances, de choix, de tournants, estime Lacombe. Parfois, vous êtes dans une short-list et c’est un autre qui est choisi. “Fred” a dû être sur ces tablettes-là. »

Antonetti admet des « touchettes » avec Marseille par le passé. En 2005, Lacombe avait été reçu par Jean- Michel Aulas. Le président de l’OL avait finalement opté pour Houllier. Il y a un an, il aurait pu poser ses valises à Monaco. Mais Michel Pastor, alors président, lui préféra Ricardo. « On voudrait savoir où sont nos limites, reconnaît Antonetti. Jamais je n’aurais pu imaginer que j’allais entraîner quatorze ans en pro. Je suis très bien à Nice, je ne fais pas de fixation sur un grand club. »

Hommes de terrain performants mais pas forcément de réseau, ilstraînent aussi une image qui peut  rebuter les puissants. « La réputation d’un entraîneur, c’est vous, les médias, qui la faites », soupire Lacombe. S’il se glissait sous une table parisienne où dînent des présidents après une réunion de l’UCPF (Union des clubs professionnels de football), il serait sans doute effrayé par ce qui peut être raconté à son sujet.

Hellebuyck : « À Paris, Lacombe n’a pas été accepté »

Engager Lacombe ou Antonetti, n’est-ce pas aussi assumer le risque de partir dans l’aigu ou le grave, le froid ou l’incandescent, devant un micro, au bord d’un terrain, dans le vestiaire, avec un joueur qui pèse plus dans les actifs financiers du club que balle au pied ? Antonetti s’interroge : « Est-ce que les présidents choisissent par rapport à une image, un palmarès ou un style de jeu ? Les entraîneurs ont tous du caractère, qu’ils expriment différemment. L’image qu’ils donnent, c’est assez compliqué… C’est vrai, parfois, je m’emporte un peu trop. Je réagis très vite. Un peu moins maintenant. Ce qui me gêne, c’est que, face à des réactions très, très sanguines, on peut mettre une étiquette qui ne correspond pas à ce qu’une personne est au quotidien. »

Le Lensois Alaeddine Yahia, qui a joué sous les ordres de Lacombe à Guingamp et sous ceux d’Antonetti à Nice, se souvient de deux « éternels insatisfaits à la recherche de la perfection », qui « ne tiennent pas compte des réputations mais donnent leur chance à ceux qu’ils jugent les plus à même de renforcer l’équipe ». « À la base, ce sont des formateurs, puis des entraîneurs hyper exigeants, passionnés à 150 %, confirme le milieu niçois David Hellebuyck, qui a connu Lacombe au Paris-SG.Moi, je n’étais pas fait pour aller à Paris. Lacombe n’était pas adapté non plus. Il n’a pas été accepté, malgré ses compétences. »

Du passage de Lacombe au PSG, on a davantage retenu ses prises de bec avec Dhorasoo ou Rothen que son succès en Coupe de France. « Quand ils ont quelque chose à dire, ces deux entraîneurs le disent, explique Yahia.Même si ça ne fait pas plaisir à tout le monde. Moi, je préfère ce discours franc et direct aux coups bas par-derrière. Ils disent tout haut ce que tous les collègues pensent tout bas. C’est sans doute pour ça qu’ils font peur aux dirigeants des clubs huppés. Ceux-ci doivent penser que leur façon de faire n’est pas compatible avec la gestion d’un groupe où il y a des stars, des internationaux. » Antonetti, qui a failli être licencié en janvier 2007, est lié à Nice pour encore deux saisons. Lacombe, lui, arrive en fin de contrat en juin prochain à Rennes. Malgré des résultats convaincants, il n’a toujours pas reçu la moindre offre de prolongation.