Impeccable mais relégable, défenseur mais meilleur buteur, rappelé en sélection au moment où son club touche le fond, Fabian Luciano Monzon passe par tous les extrêmes entre l’OGC Nice et la sélection d’Argentine.

 

Fabian, vous êtes désormais en France depuis huit mois. Comment se passe votre acclimatation à la vie niçoise ?

 

Nice est une ville très agréable. J’ai eu le temps de trouver mes marques, avec l’aide de mes coéquipiers, mais aussi avec les marques d’affection qu’on reçoit de nos supporters. En plus, maintenant je parle un peu français, donc la communication s’améliore avec mes coéquipiers. C’est important, non seulement sur le terrain, mais aussi dans la vie de tous les jours. En plus, avec Renato Civelli, David Ospina et Raul Fernandez, on se voit souvent, on organise des asados, on s’achète des herbes pour le maté. Donc on se sent un peu comme à la maison ! C’est une des raisons pour lesquelles mon adaptation se passe aussi bien, mais je ne me contente pas de ça, je m’adapte aux coutumes du pays.

 

Lorsque vous avez signé à Nice, vous imaginiez-vous que vous lutteriez pour le maintien ?

 

Sincèrement, je pensais que la situation serait un peu meilleure, mais nous n’avons pas eu beaucoup de chance, surtout en début de saison où nous avons perdu des matches que nous n’aurions pas dû perdre. Et le début de saison conditionne souvent le reste du championnat. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation qui ne convient à personne. Quand on commence une saison, ce n’est dans la tête de personne qu’on peut se retrouver en Ligue 2 à la fin. Je ne suis pas venu en France pour jouer en deuxième division, mes coéquipiers non plus. On a une bonne équipe pour rester en première division. Maintenant, le penser c’est bien, le montrer c’est mieux. Il faut se battre et vite se sortir de cette situation car il ne reste pas beaucoup de matches.

 

Désormais, tous les matches sont quasiment décisifs. Prépare-t-on ces rencontres en pensant à ne surtout pas perdre, ou en cherchant la victoire à tout prix ?

 

Tout le monde vous dira toujours qu’on joue un match pour le gagner, et qu’on n’entre jamais sur le terrain en imaginant la défaite. Sinon, autant rester tranquille à la maison. Même si on ne peut pas tout gagner, notre mentalité est en tout cas de vouloir gagner à chaque fois. C’est uniquement en pensant à ça qu’on s’entraîne et qu’on rentre sur le terrain. Le problème, c’est que la lutte pour le maintien concerne beaucoup d’équipes et j’imagine que toutes ont cette mentalité. C’est pour cela qu’elle est si difficile.

 

Vous êtes venu à Nice en tant que défenseur, mais aujourd’hui, vous êtes le meilleur buteur du club. Comment le vivez-vous ?

 

C’est une sensation très agréable ! (rires) Mais d’un autre côté, ce serait plus logique et peut-être plus rassurant si nos attaquants étaient à cette place. Comme je tire les penalties, forcément, mes chiffres sont meilleurs. Nous avons de très bons attaquants mais qui manquent de réussite depuis le début de la saison. Et ensuite, ça devient plus une question de confiance que d’adresse. J’espère que cette situation va changer rapidement.

 

Vous êtes un latéral très offensif. Comment vous êtes-vous adapté au championnat français, jugé fermé et défensif ?

 

C’est toujours difficile de s’adapter à un nouveau championnat, avec sa culture et sa mentalité, et surtout quand en arrivant, on ne peut pratiquement pas se comprendre avec ses coéquipiers. Mais une fois que le problème de la langue est dépassé, je m’adapte au style de l’équipe. Notre système de jeu me plaît. On joue beaucoup avec les latéraux, donc je touche beaucoup le ballon, je fais mon boulot défensif au maximum, et je participe à la construction en aidant le milieu ou l’attaquant qui est devant moi.

 

Saviez-vous que Carlos Bianchi, légende de Boca Juniors, votre ancien club a été l’entraîneur de Nice pendant une saison ?

 

Je n’ai pas eu l’occasion d’en parler avec lui avant, mais à Boca Juniors, Bianchi est une référence, tout le monde l’aime et le respecte et connaît sa carrière extraordinaire. Donc s’il est passé par Nice, ça doit forcément être un bon signe. Mais malheureusement, je n’ai pas pu en parler avec lui.

 

Malgré les problèmes de l’équipe, de grands clubs comme la Juventus, l’AC Milan ou Arsenal s’intéressent à vous. Quelle serait l’étape suivante de votre carrière pour progresser ?

 

Malgré notre saison difficile, je suis satisfait de mon rendement personnel. Si ce qu’on dit sur les clubs intéressés est vrai, c’est flatteur et ça donne envie de continuer à progresser. Et cela doit rester mon seul objectif : continuer à progresser. Je ne sais pas où je serai dans les prochains mois, depuis que je suis arrivé, le staff technique, la direction, tout le monde m’a beaucoup aidé. Je n’ai aucune raison valable de chercher à partir. Je profite juste de chaque moment que le football m’apporte, et pour l’instant c’est à Nice.

 

Vous êtes devenu le spécialiste des penalties à l’OGC Nice. Est-ce quelque chose de nouveau ? A Boca Juniors, avec Martin Palermo et Juan Riquelme, ce devait être difficile de tirer un penalty…

 

C’était impossible ! (rires) Riquelme et Palermo étaient les tireurs officiels. Pour les autres, c’était interdit de s’approcher du ballon. Ce qui est normal étant donné leur carrière, leur expérience et leur adresse sur les coups de pied arrêtés. A Nice, j’ai commencé à prendre les penalties parce qu’à l’entraînement, personne n’était réellement le spécialiste désigné. J’en ai tiré quelques-uns et mes coéquipiers ont décidé de me faire confiance pour les tirer en match. Jusqu’à présent, la chance me sourit puisque j’en marque plus que j’en rate !

 

Une autre de vos caractéristiques est votre engagement. C’est quelque chose que les supporters français ont toujours apprécié chez les joueurs argentins, comme vous, Renato Civelli, Juan Pablo Sorin, Gabriel Heinze ou Lisandro Lopez. Comment expliquez-vous cette mentalité si particulière ?

 

Il y a sans doute des joueurs qui ont cette mentalité en France, mais il faut reconnaitre que chez les Sud-Américains en général, c’est quelque chose d’inné. C’est dû à la motivation de défendre les couleurs du club, mais aussi à l’orgueil de chacun. Personnellement, je pense toujours à ma famille, et à tous ceux qui m’ont appuyé pour que je puisse en arriver là, et faire ce que j’aime le plus au monde, à savoir jouer au football, et pouvoir en vivre et en profiter. Nous, les Sud-Américains, nous jouons évidemment pour le plaisir, mais aussi en gardant cela à l’esprit. C’est ce qui fait que nous voulons toujours gagner et que nous sommes prêts à tout donner pour y parvenir. Depuis qu’on est tout petit, on nous inculque cette mentalité, de se battre pour ce que nous voulons, de savoir que dans la vie, rien ne sera facile à obtenir. Et ça se ressent sur notre manière de jouer.

 

Grâce à votre bonne saison, vous avez été rappelé en sélection pour les trois derniers matches. Avez-vous été surpris ?

 

Honnêtement, ça a été une surprise parce que je n’avais plus fait partie de la sélection depuis longtemps, et qu’en général, un sélectionneur appelle des joueurs qui brillent dans des grands clubs. Pour moi, c’était difficile de penser à la sélection quand mon club est à la peine en championnat. Donc j’ai été très surpris - et d’autant plus heureux - d’être convoqué.

 

Après une longue absence, comment vivez-vous ce retour en sélection ?

 

Je n’ai pas joué, mais le simple fait d’être convoqué est rassurant, cela récompense les efforts, et le simple fait d’être dans le groupe permet de se dire qu’on a sa place parmi les meilleurs joueurs de son pays, qu’on peut rendre des services à son équipe. En plus, j’ai participé au dernier rassemblement lorsque Lionel Messi a marqué trois buts. Beaucoup de joueurs auraient aimé être à ma place !

 

Comment le sélectionneur Alejandro Sabella vous a-t-il expliqué sa décision de vous rappeler ?

 

Peut-être qu’il considère qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas de joueur meilleur que moi à ce poste, même si personnellement, je ne me considère comme meilleur que personne. Je suis en bonne condition, je fais de bonnes performances, et il considère que j’ai ma place en sélection. Il faut que je travaille individuellement encore plus, que je sois encore plus complet d’abord sur le plan défensif, avant de penser à l’apport offensif. Toute sélection veut avant tout une défense très solide. Je dois encore progresser, être plus complet, et surtout plus rigoureux défensivement.

 

Pourquoi l’Argentine a-t-elle tant de mal à produire des latéraux ? En Afrique du Sud par exemple, les deux latéraux étaient des défenseurs centraux décalés.

 

Les entraîneurs qui succèdent à la tête de la sélection sont obligés de rechercher la meilleure solution pour ce poste, tant que personne ne s’est réellement imposé. En Suisse par exemple, j’étais sur le banc, mais l’entraîneur a considéré que Pablo Zabaleta était une meilleure solution. On ne peut pas lui donner tort, puisqu’on a gagné 3:1 et Zabaleta a fait un très bon match.

 

Le Brésil produit régulièrement des latéraux de haut niveau, comme Maicon, Cafú, Dani Alves, Roberto Carlos, Andre Santos ou Michel Bastos. Comment expliquer un tel contraste avec l’Argentine ?

 

Au Brésil, il y en a toujours eu et qu’il y en aura toujours, ne serait-ce que par la richesse du réservoir, et ce à tous les postes. Il y a quand même de bons latéraux en Argentine, comme Ivan Pillud, du Racing, et sûrement beaucoup d’autres, mais encore jeunes et sans expérience. Tant que d’autres défenseurs de métier assurent à ce poste, c’est difficile de s’imposer. Mais je pense que le sélectionneur les connaît et les verra tous à l’œuvre pour décider à qui il peut donner sa chance. J’en suis la preuve.

 

Comment expliquer les difficultés de l’Argentine à la Coupe du Monde de la FIFA 2010 et en Copa América 2011 avec un effectif qui compte pourtant tant de talent ?

 

Le problème de l’Argentine a été que les joueurs n’ont pas réussi à se compléter, même si j’ai l’impression que nous avons beaucoup progressé à ce niveau. On s’est peut-être trop reposé sur nos talents individuels, sans réussir vraiment à en faire une équipe. L’Argentine regorge de joueurs de grand talent, et le plus difficile est de réussir à les faire jouer ensemble. C’est une chose facile à dire, c’en est une autre quand il s’agit de le faire. Aujourd’hui, il faut que nous soyons capables de démontrer que les choses ont changé.

 

Savez-vous quel est le dernier titre international remporté par l’Argentine ?

 

(Il réfléchit) Je ne sais pas, mais ça fait très longtemps que l’Argentine n’a rien gagné !

 

Le Tournoi Olympique de Football Masculin de Pékin. Avec un certain Monzon comme arrière gauche…

 

Evidemment ! C’est difficile d’oublier ! C’était en 2008, donc il y a déjà quelques temps. C’est un grand souvenir, et ce serait extraordinaire de répéter cet exploit. Nous avons connu un moment merveilleux, notamment la victoire contre le Brésil, et surtout la manière dont nous avons gagné. Nous avions une équipe en pleine forme au bon moment et une mentalité de vainqueur que nous a inculquée l’entraîneur, Sergio Batista. Il a toujours été convaincu que nous finirions champions olympiques et nous l’avons fait.