Plus de trois ans après sa dernière sélection lors de l'Euro 2012, l‘attaquant retrouve l'équipe de France. La récompense d'un début de saison fracassant avec Nice, mais pas si étonnant.

 

 

A-t-il vraiment changé ?



« Je connais sa personnalité, il n'a ni la mentalité ni la réputation qu'on prétend », assure Mathieu Bodmer, le capitaine de Nice. Juste quelques casseroles, comme cette embrouille d'adolescents avec Abou Diaby, immortalisée par les caméras d'À la Clairefontaine, une altercation mémorable avec Sébastien Squillaci, dans le vestiaire lyonnais, ce refus d'entrer en jeu contre le PSG (2-4), le 26 octobre 2008, parce qu'Éric Gerets ne l'avait pas titularisé pour ce Classique au Vélodrome, ou cette colère incontrôlée lorsqu'il a retourné le bureau de Jean-Claude Dassier, alors président de l'OM, lequel souhaitait le retenir à Marseille après lui avoir promis l'inverse. « Il supportait mal les reproches sur son individualisme et pouvait prendre ses partenaires de haut, rappelle Alain Perrin, son entraîneur à Lyon, saison 2007-2008. C'était un volcan. »


Gérard Houllier, son prédécesseur à l'OL, le voyait autrement. « Il avait des retards énervants mais c'était un gentil, pas intrigant, pas truqueur, pas tordu. Il n'avait pas la maturité d'un Karim Benzema et se sentait vite seul et perdu. »


À Nice, tout donne l'impression d'un changement radical, mais n'était-ce pas déjà le cas avant ? « Il a toujours flambé au début », dit Houllier. « Au début, poursuit Perrin, il est en conquête et il est bon, le problème, c'est la constance. À Lyon, en fin de saison, quand Fred était revenu, j'avais décalé Benzema à gauche, et il n'avait pas suivi. S'il tient la distance jusqu'en mai, on pourra dire qu'il a mûri. Et comme il aura besoin d'une saison pleine pour rebondir, ça peut le tenir. Mais attendons. »


Se serait-il relancé sans Claude Puel ?



En décembre 2014, le premier rendez-vous entre Hatem Ben Arfa et Claude Puel avait duré deux heures et demie, et le joueur en était ressorti catégorique : c'est à Nice qu'il voulait jouer. Ce qu'il a aimé chez l'entraîneur du Gym ? Cette façon de le considérer comme les autres. « C'est une fausse impression de penser que je lui ai donné les clés, que je lui ai dit : ‘'Amuse-toi et fais ce que tu veux pour me gagner les matches.'' Je pense justement qu'on lui a trop souvent dit ça avant, expliquait récemment Puel dans France Football. On ne lui a pas déroulé le tapis rouge. »



Affectivement, Puel savait où il mettait les pieds. « Tu n'obtiendras rien d'Hatem en lui hurlant dessus devant les autres dans un vestiaire, explique Gérard Houllier, ni en alternant les caresses et les gifles. Il faut lui dire tous les jours à quel point tu l'aimes et ne jamais s'arrêter. » Après l'entraînement, il est fréquent de voir Puel discuter vingt minutes avec son joueur, quand les autres sont déjà sous la douche. « Claude a su le prendre, estime Alain Perrin, mais il ne peut pas y avoir que ça : tous ses entraîneurs ont toujours tenté d'obtenir le meilleur de lui. »



Pour Robert Duverne, qui connaît HBA depuis ses quatorze ans, le timing était parfait. « J'avais toujours dit que celui qui récupérerait Hatem à vingt-huit ans ferait une super affaire. Souvenez-vous de la fabuleuse fin de carrière de Peter Luccin, quand il est devenu un homme, c'est pareil. Il n'y a pas de hasard, Claude a été une plus-value. » À mi-chemin entre le père et le coach. « Ici, il y a des obligations à respecter, dit Puel. C'est en les respectant qu'il est capable de donner la pleine mesure de son talent. »



En quoi a-t-il métamorphosé le Gym ?



Tout a changé à Nice : le jeu, le spectacle, l'exposition médiatique. Depuis Loïc Rémy, en 2010, aucun Niçois n'avait été appelé en bleu. Et tout avait commencé à changer en janvier, quand Ben Arfa n'était alors qu'un partenaire d'entraînement, bientôt interdit de signer. L'émulation provoquée par sa simple présence avait permis à ses partenaires de prendre dix points sur douze en L 1. Être à sa hauteur, jouer avec lui, à côté de lui, même à l'entraînement, et ne pas perdre sa place quand il allait rentrer, c'était déjà 50 % du chemin. Depuis son retour en août, Nice joue dans un luxueux 4-4-2 en losange, le rendement de Plea et Germain a accentué la métamorphose, et la majorité des joueurs ont haussé leur niveau. Koziello, Seri, Mendy, Wallyson ou Pied récoltent chaque jour l'effet Ben Arfa. HBA totalise sept buts et deux passes décisives en L 1, Nice est sixième et le garçon contagieux.



Peut-il rester à Nice?



« Notre feuille de route est simple, explique Michel Ouazine, conseiller personnel et agent de Ben Arfa. Qualifier Nice pour une Coupe d'Europe, jouer l'Euro pour le gagner et, si possible, refaire une deuxième saison ici. C'est notre souhait, et il y a 60 % de chances qu'il soit là l'an prochain. » Tant que ça ? Les dirigeants niçois ont mesuré à quel point l'international français leur a changé l'existence, et leur envie de le conserver est grande. Mais les obstacles sont financiers et la concurrence s'agite. « C'est déjà parti dans tous les sens, c'est n'importe quoi depuis deux mois », dit un proche du joueur. Ben Arfa ne refera pas une seconde saison au même tarif (environ 1,5 M€ par an), alors qu'on lui en aurait proposé quatre fois plus à l'étranger, l'été dernier. Prime à la signature, contrat longue durée, arrivée d'un nouveau partenaire économique, Nice devra trouver la solution pour s'aligner. Et probablement conserver Claude Puel à la tête de son équipe, aussi. Mais l'OGCN sait aussi qu'à ce rythme-là, en 2017, par exemple, s'il est toujours là, un transfert de Ben Arfa lui rapporterait le jackpot. « En tout cas, il ne partira pas en janvier, c'est impossible », assure la direction du Gym. « J'aimerais qu'on ait signé avec son prochain club avant l'Euro », conclut Ouazine.